Focus informationnel : Différence entre versions
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Selon Jackendoff, le contenu d'une phrase (déclarative assertive) est décomposé en deux parties: la présupposition (= le fond) et le focus. Le focus correspond au XP qui est distingué prosodiquement. Chez Jackendoff, le focus informationnel est indissociable de son marquage prosodique. La présupposition « est formée en remplaçant le Focus par une variable sémantique appropriée x dans la représentation sémantique ». Prenons pour exemple l’assertion en réponse en (7) : | Selon Jackendoff, le contenu d'une phrase (déclarative assertive) est décomposé en deux parties: la présupposition (= le fond) et le focus. Le focus correspond au XP qui est distingué prosodiquement. Chez Jackendoff, le focus informationnel est indissociable de son marquage prosodique. La présupposition « est formée en remplaçant le Focus par une variable sémantique appropriée x dans la représentation sémantique ». Prenons pour exemple l’assertion en réponse en (7) : | ||
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Version du 3 août 2006 à 14:56
par Jean-Marie Marandin |
Le prototype du focus informationnel est le constituant qui résout une question. C'est, par exemple, le groupe nominal (GN) Bernard dans les réponses de B dans (1)1.
(1) | a. | A. : | Qui est venu hier soir? |
B. : | i. Bernard est venu hier soir | ||
ii. Bernard | |||
b. | A. : | Qui a-t-il rencontré hier soir ? | |
B. : | i. Il a rencontré Bernard hier soir | ||
ii. Bernard |
Dans de nombreuses langues, on a observé que le XP qui résout la question est prosodiquement distingué 2. En anglais, il reçoit l'accent nucléaire (le focus prosodique *). En français, il est distingué dans le contour intonationnel : le contour final (ou nucléaire) est ancré sur sa frontière droite. En (2), le contour (qui est ici descendant) est ancré sur Bernard et la séquence de constituants qui le suivent (est venu hier soir) reçoit une intonation qui se rapproche de celle qu'on observe sur les appendices (Voir entre autres Beyssade et al. 2004). En (2), les symboles H et L (High (haut) et Low (bas) sur la troisième ligne représentent les tons (dont le type est sous-spécifié ici) qui entrent dans la définition du contour associé à l’énoncé :
(2) | a. | A. : | Qui est venu hier soir? | |
B. : | Bernard | est venu hier soir | ||
H L | L |
Il est généralement admis que, dans des langues comme le français ou l'anglais, la distinction prosodique est la marque de la focalisation informationnelle. Logiquement, le fait de répondre à une question et le fait de recevoir une distinction prosodique spécifique appartiennent à deux dimensions distinctes. On peut donc inclure ou non la distinction prosodique dans la définition du focus informationnel. L'alternative n'est pas spécieuse. En réponse à une question multiple (3.A), on observe qu'un seul XP reçoit la distinction prosodique caractéristique du XP qui résout la question (le dernier): typiquement, le GN les étudiants de première année en (3B) ne reçoit pas le même contour que Bernard dans (1) ci-dessus alors que tous deux résolvent la question (Marandin et al. 2002, Büring 1998).
(3) | A.: | Quels étudiants étudient quoi dans ce département ? |
B.: | (i) Les étudiants de première année étudient la syntaxe, | |
(ii) ceux de seconde année la sémantique |
On distinguera donc bien l’approche sémantique de la notion de focus informationnel (approche dite ‘focus to accent’) de l’approche prosodique (dite ‘accent to focus’). Elles ne se superposent pas en (3) : le GN les étudiants de première année est un focus au sens sémantique et non pas au sens prosodique (sauf à raffiner la définition prosodique) .
On parle de focus étroit (narrow focus) lorsqu'une partie seulement de l'énoncé résout la question et d'énoncé all focus lorsque l'énoncé tout entier résout la question. Les GN Bernard en (1) et (2) sont des focus étroits, de même le numéral vingt-quatre en (4); l'énoncé Marie est arrivée est un énoncé all focus en (5).
(4) | Combien a-t-il écrit de romans policiers depuis sa retraite ? |
Il a écrit vingt-quatre romans policiers en 10 ans | |
(5) | A.: Que s'est-il passé alors ? / Pourquoi es-tu si heureux ? |
B.: Marie est arrivée |
La réalisation prosodique de l'énoncé all focus fait débat. On observe, en effet, qu'un seul constituant est marqué (il reçoit le focus prosodique en anglais, le contour en français), mais le marquage vaut pour l'énoncé tout entier. Pour certains, l’énoncé all focus reçoit une réalisation uniquement déterminée par la syntaxe, en anglais la Nuclear Stress Rule * (bonne présentation dans Culicover & Rochemont 1983). Pour d'autres, c'est un cas de marquage du focus qui doit être intégré dans une analyse générale qui traite aussi le marquage du focus étroit. On a proposé le mécanisme de projection du focus * pour unifier le traitement du marquage du focus étroit et du all focus (bonne présentation dans Selkirk 1995).
Du point de vue sémantique, la notion de focus informationnel a recu deux définitions: (a) une définition directement pragmatique en termes informationnels reprenant plus ou moins la notion d'information proposée par l'Ecole de Prague et (b) une définition formelle qui repose sur l'hypothèse d'une articulation de l'énoncé (voir structure informationnelle *) soit au plan syntaxique soit au plan du contenu de l'énoncé. On a proposé que la définition pragmatique décrive l'interprétation de la définition formelle (Kadmon 2001). Cette proposition n'a de sens que si on peut donner un tant soit peu de consistance à l'opposition "information nouvelle vs information ancienne".
Définition pragmatique
Selon la définition pragmatique, le XP focal (focus étroit ou énoncé all focus) véhicule une information nouvelle. Le XP qui résout une question apporte une information nouvelle si on admet que le questionneur pose la question pour obtenir une information qu'il n'a pas: d'où le fait que le test sous forme de question-réponse pour isoler le focus dans un énoncé paraisse approprié.
Cette description, qui appartient à la vulgate de la linguistique, présente au moins deux ambiguïtés. Ces ambiguïtés sont reconnues, ce qui n’a pas pour autant entraîné de profonde remise en cause de la vulgate.
La première a été clairement identifiée par Lambrecht 1994. Il faut bien distinguer entre la nouveauté (vs l'ancienneté) d'un référent de discours (RD), ce qui correspond au fait qu'il est déjà introduit ou non dans l'univers de discours, et la nouveauté (vs l'ancienneté) du contenu (ou d'une partie du contenu) de l’énoncé. Seule la seconde est susceptible de donner sens à la notion de focus informationnel 3. De ce point de vue, il n’y a aucune corrélation entre le statut ancien/nouveau d’un RD et son emploi comme focus informationnel : un XP qui dénote un XP actif peut être un focus informationnel. C'est le cas du GN Marie dans (6)
(6) | A. Je n'ai pas de nouvelle de Marie et de Bernadette. Laquelle a appelé hier ? |
B.: Marie |
L'information nouvelle ne consiste pas dans le contenu du GN Marie (qu'il faudrait d'ailleurs préciser !), mais dans la proposition "celle qui a appelé hier est Marie" (qu'on appelle proposition focale). Le fait de dénoter un RD actif ou inactif est orthogonal au fait d'être focal ou non. « What gives a Focus constituent its flavor as a ‘new’ element is not the status of its denotatum in the discourse but its relation to the asserted proposition at the time of utterance. Focus and inactiveness are independent information-structure parameters and their grammatical manifestations must be carefully distinguished » (Lambrecht, 1994: 261).
La seconde a été identifiée par Prince 1981. Le terme information nouvelle (vs ancienne) peut avoir deux sens. Selon le premier, information nouvelle renvoie à une information inconnue pour le destinataire. Selon le second, information nouvelle renvoie à une information (connue ou inconnue du destinataire) qui n'a pas encore été introduite dans l’univers de discours partagé par les interlocuteurs. Les deux dimensions ne coïncident pas, c’est ce qui a poussé Prince 1981 à distinguer deux séries d’opposition : nouveau/ancien pour l'interlocuteur (hearer new/old) et nouveau/ancien dans le discours (discourse new/old). La première renvoie à une idée d'informativité et la seconde n'est pas éloignée de la notion de contenu activé/non activé proposée par Chafe (voir activation *).
Définition formelle : Jackendoff 1972
On ne donne ici que la définition de Jackendoff 1972 car elle est à l'origine des modélisations proposées en sémantique/pragmatique formelle.
Selon Jackendoff, le contenu d'une phrase (déclarative assertive) est décomposé en deux parties: la présupposition (= le fond) et le focus. Le focus correspond au XP qui est distingué prosodiquement. Chez Jackendoff, le focus informationnel est indissociable de son marquage prosodique. La présupposition « est formée en remplaçant le Focus par une variable sémantique appropriée x dans la représentation sémantique ». Prenons pour exemple l’assertion en réponse en (7) :
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