Vériconditionnel : Différence entre versions

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préciser la notion de contenu d'un ordre ou d'une question. Un ordre n'a de sens, par exemple,
 
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que si l'on est capable de préciser ce qu'il cherche à réaliser, à changer, à interrompre. Le sens
 
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de "fermez la fenêtre!" n'est pas sans commune mesure avec celui de "Quelqu'un ferme la
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de “fermez la fenêtre!n'est pas sans commune mesure avec celui de “Quelqu'un ferme la
fenêtre." Tel est en tout cas l'idée sur laquelle repose la théorie des actes de langage. Les
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phrases qu'elles soient déclaratives et non déclaratives, réalisent un acte de langage, analysé
 
phrases qu'elles soient déclaratives et non déclaratives, réalisent un acte de langage, analysé
 
comme composé d'un contenu et d'une modalité ou force illocutoire (assertion, question,
 
comme composé d'un contenu et d'une modalité ou force illocutoire (assertion, question,

Version du 1 avril 2007 à 11:47

valeur de vérité, connecteur
par Claire Beyssade


Sémantique vériconditionnelle

Il y a plusieurs manières d'aborder la question du sens. On peut distinguer, parmi les théories de la signification, trois grandes familles.

  1. Les théories référentielles ou dénotationnelles, qui étudient la relation entre les symboles du langage et ce qu'ils représentent. Ce sont des théories développées en mathématique et en logique. On estime depuis Montague que ces approches ont une pertinence dans l'analyse du langage naturel, plus précisement pour la sémantique des langues naturelles.
  2. Les théories psychologiques ou mentalistes, qui mettent l'accent sur les représentations internes et sur la façon dont les contenus linguistiques sont représentés mentalement.
  3. Les théories de la signification, que l'on peut qualifier de sociales ou pragmatiques, qui reposent sur l'affirmation que la communication est une activité sociale, et sur le fait qu'on agit quand on parle, et qu'on provoque des réactions chez ceux à qui le message s'adresse.

Ces trois perspectives ne sont aucunement incompatibles. Il s'agit plutôt de trois angles d'approche différents d'un seul et même objet difficile à cerner, le sens.

La sémantique dite vériconditionnelle s'inscrit dans la famille des théories référentielles de la signification. Elle utilise crucialement la notion de vérité, qui semble un peu plus claire que celle de sens. Si la sémantique est l'étude du sens, la sémantique vériconditionnelle est l'étude du sens en termes de condition de vérité. C'est essentiellement à Frege, puis à Tarski, qu'on doit d'avoir rapproché signification et vérité. Selon eux, comprendre une phrase, c'est connaître les conditions dans lesquelles elle est vraie. Autrement dit, déterminer le sens d'une phrase, c'est être à même de préciser ses conditions de vérité. La question n'est donc pas de savoir si une phrase donnée est vraie ou fausse, mais de préciser quelles conditions doivent être remplies pour que la phrase soit vraie. Pour Frege, un énoncé possède une valeur de vérité de la même manière qu'une expression numérique possède une valeur. Frege a élaboré un système logique permettant de calculer la valeur de vérité d'un énoncé complexe à partir des valeurs de vérité de ses composantes (cf. principe de compositionalité).

La sémantique formelle est vériconditionnelle et s'inscrit directement dans la lignée des travaux de Frege. Elle part de l'observation selon laquelle chacun a des intuitions sur les relations de sens entre phrases (chacun peut dire si deux phrases ont le même sens, des sens différents, comparables...) et cherche à caractériser formellement ces relations, en termes de conditions de vérité. L'équivalent du travail sur les paires minimales en syntaxe, en sémantique, c'est le travail sur les relations de sens (ou les relations logiques) qui existent entre les phrases. Les relations les plus communément envisagées sont l'équivalence et la contradiction, les relations implicatives comme l'implication matérielle ou la présupposition, et l'ambiguïté.


Opérateur vérifonctionnel

On dit qu'un opérateur ou un connecteur est vérifonctionnel quand on peut représenter son sens comme une fonction, qui prend en entrée une ou des valeurs de vérité (selon l'arité du connecteur), et donne comme résultat une valeur de vérité. En logique classique, on ne considère que deux valeurs de vérité, le vrai (V ou 1) et le faux (F ou 0). Il existe des logiques non classiques qui envisagent d'autres valeurs de vérité, en particulier la valeur indéterminée, et même des logiques comme les logiques probabilistes, qui postulent une infinité de valeurs de vérité.

Un moyen simple de représenter le sens d'un connecteur vérifonctionnel est la table de vérité. Une table de vérité donne en fait l'extension de la fonction associée au connecteur en question. A titre d'exemple, prenons la négation (de la logique classique) : c'est un connecteur unaire, qui s'applique à une proposition et renvoie une nouvelle proposition. Elle inverse les valeurs de vérité, ce qui donne la table de vérité 1. De façon équivalente, la négation peut être vue comme une fonction, qui envoie la valeur V sur la valeur F et la valeur F sur la valeur V (cf. figure 1).


P ¬P
V F
F V
¬ : {V; F} {V; F}
V F
F V
table 1 figure 1


On peut procéder de même avec les opérateurs binaires comme la conjonction (notée ∧), ou la disjonction (notée ∨). On doit alors considérer toutes les combinaisons possibles de valeurs de vérité mettant en jeu deux propositions, ce qui fait donc 22 = 4 cas différents (si l'on considère qu'il n'existe que deux valeurs de vérité, le vrai et le faux).


P Q P ∧ Q P ∨ Q
V V V V
V F F V
F V F V
F F F F
table 2

On peut dénombrer les opérateurs vérifonctionnels possibles. Si l'on considère qu'il n'existe que deux valeurs de vérité, on ne peut définir que quatre opérateurs vérifonctionnels unaires et seize opérateurs binaires, qui correspondent aux tables de vérité données ci-dessus.


P Op1 P Op2 P Op3 P Op4 P
V V F V F
F F V V F
table 3


P Q P Op'1 Q P Op'2 Q P Op'3 Q P Op'4 Q P Op'5 Q P Op'6 Q P Op'7 Q P Op'8 Q P Op'9 Q P Op'10 Q
V V V F V V V F F F V V
V F V V F V V F V V F F
F V V V V F V V F V F V
F F V V V V F V V F V F
P Q P Op'11 Q P Op'12 Q P Op'13 Q P Op'14 Q P Op'15 Q P Op'16 Q
V V V F V F F F
V F V F F V F F
F V F F F F V F
F F F V F F F F
table 4


Parmi ces opérateurs vérifonctionnels, on peut se demander lesquels ont un équivalent linguistique. Op2 correspond à la négation, mais Op1, Op3 et Op4 n'ont pas de contrepartie linguistique en français. Op1 serait un opérateur d'identité, Op3 un opérateur qui écraserait tout sur le vrai et Op4 un opérateur qui écraserait tout sur le faux. Pour ce qui est des opérateurs binaires, se reporter à l'entrée connecteurs logiques.

Aspects non vérifonctionnels du sens

Il existe des connecteurs linguistiques (i.e. des conjonctions de coordination ou de subordination) dont le sens n'est pas vérifonctionnel. C'est le cas de la conjonction de subordination parce que par exemple. Elle permet de former une nouvelle proposition, à partir de deux propositions d'origine, p et q, mais il ne suffit pas de connaître les valeurs de vérité des propositions p et q pour savoir si p parce que q est une proposition vraie ou fausse. Ainsi, on peut bien imaginer un monde dans lequel p, p′ et q sont trois propositions vraies, et dans lequel p parce q est vraie alors que p′ parce que q est fausse. En guise d'exemple, on peut considérer pour p Jean prend un parapluie, pour p′ 2 et 2 font 4, et pour q il pleut. On conçoit facilement que la proposition Jean prend un parapluie parce qu'il pleut est vraie, alors que Jean prend un parapluie parce que 2 et 2 font 4 est fausse.

Il demeure néanmoins qu'on peut décrire certains aspects du sens du connecteur parce que en termes de conditions de vérité. Ainsi, p parce q n'est vrai que si p et q sont vrais. Et inversement, il semble qu'il existe certains aspects du sens des connecteurs, même des connecteurs dits vériconditionnels comme la conjonction, qui échappent à une analyse en termes de conditions de vérité. La conjonction telle qu'elle est définie en logique est par exemple commutative, ce qui signifie que pq et qp sont indifférentiables en termes de conditions de vérité. Pourtant, le et de la langue naturelle est souvent associée à la succession temporelle, ce qui explique pourquoi on n'interprète pas les deux phrases suivantes comme ayant le même sens :

(1) a. Jean est sorti et Marie a pleuré.
b. Marie a pleuré et Jean est sorti.

Les connecteurs de la langue naturelle qui expriment la causalité ou la concession comme car ou bien que ne sont pas vérifonctionnels.

Avantages et limites d'une sémantique vériconditionnelle

Réduire la théorie de la signification à la sémantique vériconditionnelle serait certainement une erreur, puisqu'il est des aspects du sens qui relèvent plus des conditions d'usage que des conditions de vérité. Mais on ne peut nier l'intérêt de l'étude des conditions de vérité pour appréhender le sens. On dit en général que les aspects non vériconditionnels du sens relèvent non pas de la sémantique, mais de la pragmatique. Cependant la frontière entre sémantique et pragmatique est difficile à tracer avec précision. A côté du sens vériconditionnel d'une phrase, on peut étudier le sens implicite d'une phrase, ses sous-entendus, mais aussi les présuppositions (que Ducrot appelle « l'implicite du sens littéral » parce que les présuppositions sont déclenchées par le matériel linguistique et non pas par l'usage en contexte), et les implicatures, à mettre en rapport avec les règles qui régissent les conversations (cf Grice et les maximes conversationnelles).

Par ailleurs, nous n'avons ici considéré que des phrases déclaratives, mais il faudrait aussi considérer les phrases non déclaratives, les ordres et les questions. Même si une question ou un ordre n'a pas, en tant que tel, de conditions de vérité, si une question ou un ordre n'est ni vrai, ni faux, on peut néanmoins utiliser l'approche en terme de conditions de vérité pour caractériser le contenu de ces actes de langage. Les conditions de vérité peuvent servir à préciser la notion de contenu d'un ordre ou d'une question. Un ordre n'a de sens, par exemple, que si l'on est capable de préciser ce qu'il cherche à réaliser, à changer, à interrompre. Le sens


phrases qu'elles soient déclaratives et non déclaratives, réalisent un acte de langage, analysé comme composé d'un contenu et d'une modalité ou force illocutoire (assertion, question, commande, etc). Entre une phrase déclarative et son corrélat interrogatif, la modalité change mais le contenu reste identique. Donc si l'on a caractérisé le sens de 1a phrase déclarative en termes de conditions de vérité, ces conditions de vérité doivent aussi servir à éclairer sinon la totalité du sens de la phrase interrogative ou jussive correspondante, mais du moins son contenu. Il semble possible d'appliquer les notions sémantiques mises au point pour rendre compte du sens des phrases déclaratives à l'étude des autres types de phrases.

La sémantique vériconditionnelle semble donc un bon moyen d'appréhender le sens des phrases et un ingrédient nécessaire à toute théorie de la signification. Depuis les travaux de Frege, c'est essentiellement la logique classique qui a servi de cadre pour développer cette sémantique. Mais on peut aussi envisager d'autres logiques que la logique classique qui, parce qu'elles auraient d'autres valeurs de vérité que le vrai et le faux, ou parce qu'elles introduiraient d'autres entités que les seules propositions et valeurs de vérité, comme par exemple des mondes possibles, ou parce que cet aspect vériconditionnel s'effacerait derrière d'autres concepts centraux en logique comme celui de preuve fourniraient d'autres moyens d'appréhender le sens.

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