Métonymie : Différence entre versions

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Bien que développés indépendamment au début des années 70, les frames (Schank et Abelson 1977) et les scripts (Minsky 1975) ont beaucoup de points en commun et sont développés dans un même document. L’idée clef des frames et des scripts, empruntée aux travaux en psychologie cognitive, en particulier en ce concerne l’acquisition de connaissances, est que notre connaissance et notre perception des concepts, des événements et des situations que nous utilisons, sont organisées autour de contenus prototypiques et de caractéristiques particulières que nous attendons relativement à ces concepts, événements et situations.
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La métonymie est une opération linguistique et cognitive qui a essentiellement une fonction référentielle, en ce qu’elle autorise l’emploi d’une entité pour en représenter une autre. Il doit exister une relation entre l’entité utilisée et celle référencée. Cette relation est essentiellement de deux types : la relation paradigmatique partie-tout (employée en partie vers le tout ou en tout vers la partie) et un ensemble a priori ouvert de relations fonctionnelles. Par exemple, dans un énoncé tel que ‘on ne recrute pas des cheveux longs dans notre entreprise’ le terme cheveux longs est une partie (significative) qui réfère au tout : un homme. Dans ‘Toulouse a gagné la coupe’, nous avons une relation du tout (Toulouse) vers la partie significative visée, par exemple, son équipe de rugby. Enfin, dans ‘j’ai acheté une Renault’ la métonymie repose sur une base fonctionnelle où la marque est employée au lieu de l’objet (une voiture), nous avons la relation fonctionnelle : ‘la marque pour l’objet’.
  
Considérons, à titre d’illustration, une situation stéréotypée telle que celle d’assister à la projection d’un film au cinéma. La frame (ou script) associée est, par exemple, film. Notre connaissance de cette situation inclut différents aspects : le titre du film, son réalisateur et sa distribution, sa durée, son coût de production, d’un côté, le nom et l’adresse du cinéma qui le projette, l’heure de début de la projection, etc d’un autre côté. Ces éléments caractéristiques sont codés dans la frame, par le biais de rubriques (appelées slots en anglais). Les rubriques de cette frame pourront, par exemple, être organisées comme suit : une rubrique localisation du cinéma (avec 2 sous-rubriques : nom et adresse), une rubrique date et heure de la projection, une rubrique identification du film (avec 3 sous-rubriques : titre, réalisateur et distribution). Cette frame peut contenir d’autres informations que nous percevons comme prototypiques, par exemple le coût d’un billet. Une frame reflète donc, de façon assez fidèle et partielle, la façon dont nous percevons et structurons une certaine connaissance, plus ou moins complexe.
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La métonymie n’est pas un dispositif purement référentiel, son objectif principal est d’améliorer la compréhension d’un énoncé. Ainsi, dans le premier exemple ci-dessus, la partie utilisée (les cheveux longs) n’est pas neutre : c’est cette partie, et ce qu’elle peut sous-entendre dans notre culture occidentale, qui pose problème. La métonymie intervient donc dans la spécification d’une forme de focus, non plus par une position syntaxique, mais par l’emploi d’un procédé référentiel. La métonymie a donc un fonctionnement et un rôle très différent de la métaphore qui est essentiellement une façon de concevoir quelque chose dans les termes d’une autre chose. Le rôle de la métaphore est d’aider à la conceptualisation dans des domaines abstraits (voir fiche). Bien que métaphore et métonymie aient des rôles différents, certaines propositions peuvent être interprétées dans ces deux cadres. Ainsi, ‘L’Europe croit à la démocratie’ a une interprétation métaphorique (une entité géographique vue comme un humain) et une interprétation métonymique (les habitants de l’Europe croient en la démocratie).
  
Les rubriques d’une frame sont souvent associées à une description des valeurs qu’elles peuvent recevoir (tout comme les attributs typés des grammaires d’unification) et de valeurs par défaut. Par exemple, la rubrique nom du cinéma est restreinte aux noms déclarés des cinémas du lieu considéré (et reporté dans adresse). De même, l’heure est restreinte à un certain intervalle (par exemple, à partir de 18h00, et en heure ou demie-heures). Une valeur par défaut pour la projection peut-être, par exemple, 20h30. En ce qui concerne le nom du cinéma, on voit qu’il existe un lien avec son adresse (en particulier la ville dans laquelle il est implanté). Il existe dans une frame des procédures actives qui contrôlent la correction des données et des liens entre elles, comme le font les contraintes d’intégrité dans les bases de données. D’autres procédures sont chargées d’aller chercher de l’information dans d’autres frames, ou de lier une frame à une ou plusieurs autres frames qui vont être utilisées pour caractériser un slot de la première. Par exemple, en ce qui concerne le coût d’une place de cinéma, il est possible d’aller chercher cette information dans une frame dédiée aux cinémas d’une ville. Ces procédures sont appelées en anglais des demons. Les frames ne sont donc pas des structures isolées : elles sont postulées former un réseau complexe d’interactions variées, reflet de l’interdépendance, de la hiérarchisation et autres connexions telles qu’observées dans les connaissances humaines.
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Les métonymies sont un phénomène de langue, mais elles reflètent aussi la structure de notre système conceptuel et de notre culture. Par exemple, lorsque l’on dit ‘il y a beaucoup de nouveaux visages ici’ on fait référence à une métaphore partie-tout du type : le visage pour la personne. On ne dira pas ‘il y a beaucoup de nouveaux pieds ici’. La raison est que c’est le visage et non la posture, le mouvement ou tout autre partie du corps qui donne la première information sur qui est la personne. Par contre, dans un contexte de travail physique, on aurait de préférence une focalisation sur un élément essentiel à une tâche physique, et l’on dirait plutôt : ‘On manque de bras pour faire ce travail’. On voit aussi à travers ces exemples que la métonymie contribue à la cohérence du discours et à la mise en œuvre des plans et buts sous-jacents.
  
Dans le cadre des frames, des travaux ont été développés, proches des préoccupations de l’époque en intelligence artificielle, pour tenter de réduire de façon prototypique un foisonnement d’événements ou de situations décrites a priori à l’interaction d’un ensemble réduit de primitives conceptuelles. Les primitives conceptuelles modélisent des actions typiques et souvent élémentaires que des humains peuvent réaliser, par exemple déplacer un objet d’un lieu à une autre, communiquer une idée (d’un ‘mental’ à un autre), déduire une nouvelle information à partir d’informations déjà établies, ingérer de la nourriture, se focaliser sur une information ou sur une image particulière. A partir de ces primitives, l’objectif est de construire la représentation d’énoncés simples ou complexes, par composition de ces primitives, selon certaines contraintes, par exemple d’enchâssement ou par concaténation. Les opérations formelles à ce niveau restent très simples.
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Les métonymies peuvent apparaître dans nombre de structures différentes. Un nombre important de métonymies occultent un événement pour privilégier un objet prototypique de celui-ci : ‘après ce livre (=avoir lu ce livre), je me suis sentie fatiguée’ ou : ‘après un café (= avoir bu un café), je suis sortie’ (Godard et Jayez 93). Dans ‘il m’a envoyé une lettre très gentille’, l’adjectif réfère au contenu de la lettre, aux termes employés, voire à l’intention de celui qui l’a écrite.
  
Un script est alors une structure composée de frames, éventuellement avec enchâssements, qui représente un ensemble d’événements, avec leurs relations temporelles, spatiales, causales, etc. Les descriptions d’événements peuvent n’être que partielles. La combinaison des frames étant en général assez ouverte, il est alors assez facile de décrire des événements peu fréquents ou inattendus, voire d’inférer des comportements ou des événements non décrits explicitement à partir de structures prototypiques. Le programme SAM, développé par Schank et Abelson, pouvait reconnaître et représenter des séquences simples telles que l’exemple très connu suivant :
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Il y a fondamentalement deux façons de modéliser la métonymie. La première est une tentative d’organisation en termes de relations métonymiques : ‘contenant pour contenu’, ‘marque pour objet’, où il restera à indiquer les restrictions d’emploi de ces relations. La seconde vise à tenter de distinguer les différents types de métonymies au niveau de leur comportement référentiel. L’objectif est alors de développer un type de traitement propre à chaque forme de référence. Enfin, à côté de métonymies dites référentielles (Nixon a bombardé Hanoi), nous avons des métonymies dites prédicatives, le type même de l’argument du verbe sur lequel repose la métonymie est affecté. Ainsi, dans ‘Quelles compagnies vont de Toulouse à Nice ?’, le sujet viole la contrainte de restriction qui serait du type ‘moyen de transport’ ou ‘objet mobile’.
Joe went to a restaurant. Joe ordered a hamburger. When the hamburger came, it was burnt to a crisp. Joe stormed out without paying.
 
Le système SAM, au vu de cette description, peut déduire que Joe n’a pas mangé le hamburger, même s’il n’y a aucune mention explicite de ce qu’il a fait dans le restaurant. Le système, très avancé pour son époque, pouvait expliquer son raisonnement sur le contraste entre le script standard de restaurant et des informations non trouvées dans ce texte. Par exemple, l’absence d’informations sur la consommation du hamburger, entre autres, permet cette déduction.
 
Le script du restaurant est donné ci-dessous, il fait appel à 7 frames élémentaires. Ce script est représenté informellement pour en faciliter la lecture :
 
Script(restaurant(Client, Restaurant, Aliments)) à
 
Entrer(Client, restaurant),
 
Appeler(Client, Serveur),
 
Commander(Client, Aliments),
 
Manger(Client, Aliments),
 
Apporter(Serveur, Aliments),
 
Payer(Client, Gérant, Aliments),
 
Sortir(Client, restaurant),
 
Si : humain(Client), humain(Serveur), humain(Gérant) , nourriture(Aliments).
 
  
Les frames et les scripts proposent donc une méthode riche et souple pour représenter de façon organisée des fragments de connaissances spécialisées ou de tous les jours. Ils reproduisent une caractéristique essentielle de notre compréhension des processus rencontrés tous les jours : par assimilation à des situations prototypiques que nous avons acquises. Piaget suggère, de surcroît, et dans un cadre élargi, des processus d’adaptation qui permettent de faire évoluer le prototype. Il s’agit là d’une approche très économique, sans le développement systématique de formes inférentielles très complexes pour chaque nouvelle situation. Des travaux plus récents en intelligence artificielle, permettent une révision et une adaptation des frames aux situations nouvelles, par le biais de procédures d’apprentissage.
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Selon les analyses et les auteurs, il y a plusieurs façons de caractérise la métonymie. Nous en présentons quelques unes ci-dessous qui vont, en outre, mieux illustrer cette notion. Lakoff et Johnson se contentent, à ce niveau, de présenter la relation :
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- ‘La partie pour le tout’ (on n’embauche pas de cheveux longs ici)
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- ‘Le producteur pour le produit’ (j’ai acheté une Ford)
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- ‘L’objet utilisé pour l’utilisateur effectif’ (les bus sont en grève)
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- ‘L’institution pour la personne responsable’ (Total a indemnisé les victimes)
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- ‘Le lieu pour l’institution’ (Matignon est resté silencieux)
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- ‘Le lieu pour l’événement’ (Waterloo a marqué un changement politique en Europe).
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Dans une autre perspective, D. Fass a adossé les protagonistes de la métonymie à des rôles thématiques dans le but de mieux faire apparaître l’apport de cette opération. Ainsi, nous avons, par exemple, les situations suivantes :
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- AGENT : producteur  - pour  - PATIENT : le produit. Même situation pour : l’artiste pour son œuvre ou une forme d’art (un Picasso).
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- PATIENT : l’institution – pour – AGENT : la personne responsable.
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- INSTRUMENT : l’objet utilisé – pour – AGENT : son utilisateur (Les tournevis sont encore absents). Même situation pour le contenant pour le contenu.
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En regardant plus dans le temps, Fontanier, au début du 19ème siècle, a donné une bonne catégorisation et organisation conceptuelle de la métonymie. Il distingue, par exemple :
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- les métonymies de la cause : cause active, intelligente et morale (Un Racine pour les ouvrages de cet auteur), cause instrumentale (il a le pinceau hardi), etc.
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- les métonymies de l’instrument (une fine lame, le 1er violon),
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- les métonymies du signe (le trône, le sceptre, les lauriers).
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Notons le cas des synecdoques, qui font appel à des parties-tout spécifiques : pour les êtres animés : le cœur, l’âme, pour les objets physiques : le toit pour la maison, la voile pour le bateau, pour les pays la capitale, etc.
  
Comme on peut le constater à la lecture des autres fiches en sémantique, il y a de nombreuses façons à la fois de représenter la connaissance et de la ‘coder’ (par exemple, par de la logique ou par des procédures). Il est essentiel à ce stade de ne pas confondre contenant et contenu. Les frames, au même titre que les langages à base de primitives (fiche), sont des formalismes de représentation de la connaissance, avec leur pouvoir expressif et leurs limites. Ces formalismes sont nécessairement codés dans une machine ou tout simplement mis en œuvre ‘sur papier’ par le biais de formalismes de codage de l’information. Par exemple, on peut coder les frames par de la logique et les implémenter en Prolog (programmation en logique) ou bien encore coder un langage à base de primitives par une approche fonctionnelle. A chaque étape, il faut alors bien mesurer les restrictions et l’adéquation du langage utilisé pour le codage.
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Comme on peut le voir sur les quelques exemples cités ci-dessus, la métonymie a une dimension linguistique, sémantique, mais aussi conceptuelle. La métonymie s’appuie en effet sur un modèle conceptuel idéalisé (par exemple une vision structurée simple du monde, comme le font les ontologies de l’intelligence artificielle). La métonymie ne substitue pas simplement une entité par une autre, elle crée un nouveau sens complexe qui prend en compte les entités en cause et la relation. Les processus en œuvre apparaissent à plusieurs niveaux :
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- celui du conceptuel (protypicalité, catégorisation et raisonnement),  
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- celui de la représentation des connaissances (ontologies, concepts et formes, entités et événements),
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- celui du langage (lexique, morphologie, syntaxe et discours) et  
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- celui des fonctions linguistiques (référence, prédication, actes de discours).
  
Ceci étant posé, il n’en demeure pas moins que les frames et scripts, comparés à une axiomatisation en logique de la connaissance, soulèvent de nombreuses discussions, entre des sensibilités différentes : psycholinguistes d’une part et logiciens de l’intelligence artificielle de l’autre. Ainsi, concernant un énoncé général de la physique naïve du type ‘Un objet en mouvement sur terre ralenti sa course au fur et à mesure du temps à moins qu’il ne soit mû par une force externe (moteur, gravité terrestre)’, la question se pose de savoir s’il vaut mieux le représenter par un ensemble d’axiomes de la logique ou par le biais de schémas conceptuels (les frames) prédéterminés ? Ce débat est loin d’aboutir. Peut-être peut-on dire que chaque approche présente un intérêt en bonne partie complémentaire et que ce qui est important est de savoir ce que l’on veut faire de ces représentations.
 
  
  
Quelques références bibliographiques
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Quelques références
  
Minsky, M., A framework for representing Knowledge, in Mind design, MIT Press, 1981.
+
Metonymy in Language and Thought, Panther-Radden, Hamburg, 1996. Contient de nombreux articles essentiels pour approfondir la métonymie sous ses différentes facettes.
  
Shank, R., Abelson, R., Scripts, Plans, Goals and Understanding, L. Erlbaum and associates, NJ, 1977.
+
Fass, D. (1997). Volume 1: Processing Metonymy and Metaphor. London, Ablex Publishing Corporation.
 
+
Fontanier, P. (1821). Les figures du discours. Paris : Flammarion.
Shank, R., Riesbek, CK, eds. Inside computer understanding: Five Programmes plus miniatures, Erlbaum, 1981.
+
Godard, D., Jayez, J. (1993). Towards a Proper Treatment of Coercion Phenomena. In Proceedings of the 6th Conference of the European Association for Computational Linguistics (EACL 93), Utrecht, p. 168-177.
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Lakoff, G.- Johnson, M. (1980). Metaphors We Live By. Chicago: University Chicago Press.
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Numberg, G. (1995). Transfers of meaning. Journal of Semantics, 12(2), 109-132.

Version du 28 octobre 2005 à 15:47

par Patrick Saint-Dizier

La métonymie est une opération linguistique et cognitive qui a essentiellement une fonction référentielle, en ce qu’elle autorise l’emploi d’une entité pour en représenter une autre. Il doit exister une relation entre l’entité utilisée et celle référencée. Cette relation est essentiellement de deux types : la relation paradigmatique partie-tout (employée en partie vers le tout ou en tout vers la partie) et un ensemble a priori ouvert de relations fonctionnelles. Par exemple, dans un énoncé tel que ‘on ne recrute pas des cheveux longs dans notre entreprise’ le terme cheveux longs est une partie (significative) qui réfère au tout : un homme. Dans ‘Toulouse a gagné la coupe’, nous avons une relation du tout (Toulouse) vers la partie significative visée, par exemple, son équipe de rugby. Enfin, dans ‘j’ai acheté une Renault’ la métonymie repose sur une base fonctionnelle où la marque est employée au lieu de l’objet (une voiture), nous avons la relation fonctionnelle : ‘la marque pour l’objet’.

La métonymie n’est pas un dispositif purement référentiel, son objectif principal est d’améliorer la compréhension d’un énoncé. Ainsi, dans le premier exemple ci-dessus, la partie utilisée (les cheveux longs) n’est pas neutre : c’est cette partie, et ce qu’elle peut sous-entendre dans notre culture occidentale, qui pose problème. La métonymie intervient donc dans la spécification d’une forme de focus, non plus par une position syntaxique, mais par l’emploi d’un procédé référentiel. La métonymie a donc un fonctionnement et un rôle très différent de la métaphore qui est essentiellement une façon de concevoir quelque chose dans les termes d’une autre chose. Le rôle de la métaphore est d’aider à la conceptualisation dans des domaines abstraits (voir fiche). Bien que métaphore et métonymie aient des rôles différents, certaines propositions peuvent être interprétées dans ces deux cadres. Ainsi, ‘L’Europe croit à la démocratie’ a une interprétation métaphorique (une entité géographique vue comme un humain) et une interprétation métonymique (les habitants de l’Europe croient en la démocratie).

Les métonymies sont un phénomène de langue, mais elles reflètent aussi la structure de notre système conceptuel et de notre culture. Par exemple, lorsque l’on dit ‘il y a beaucoup de nouveaux visages ici’ on fait référence à une métaphore partie-tout du type : le visage pour la personne. On ne dira pas ‘il y a beaucoup de nouveaux pieds ici’. La raison est que c’est le visage et non la posture, le mouvement ou tout autre partie du corps qui donne la première information sur qui est la personne. Par contre, dans un contexte de travail physique, on aurait de préférence une focalisation sur un élément essentiel à une tâche physique, et l’on dirait plutôt : ‘On manque de bras pour faire ce travail’. On voit aussi à travers ces exemples que la métonymie contribue à la cohérence du discours et à la mise en œuvre des plans et buts sous-jacents.

Les métonymies peuvent apparaître dans nombre de structures différentes. Un nombre important de métonymies occultent un événement pour privilégier un objet prototypique de celui-ci : ‘après ce livre (=avoir lu ce livre), je me suis sentie fatiguée’ ou : ‘après un café (= avoir bu un café), je suis sortie’ (Godard et Jayez 93). Dans ‘il m’a envoyé une lettre très gentille’, l’adjectif réfère au contenu de la lettre, aux termes employés, voire à l’intention de celui qui l’a écrite.

Il y a fondamentalement deux façons de modéliser la métonymie. La première est une tentative d’organisation en termes de relations métonymiques : ‘contenant pour contenu’, ‘marque pour objet’, où il restera à indiquer les restrictions d’emploi de ces relations. La seconde vise à tenter de distinguer les différents types de métonymies au niveau de leur comportement référentiel. L’objectif est alors de développer un type de traitement propre à chaque forme de référence. Enfin, à côté de métonymies dites référentielles (Nixon a bombardé Hanoi), nous avons des métonymies dites prédicatives, où le type même de l’argument du verbe sur lequel repose la métonymie est affecté. Ainsi, dans ‘Quelles compagnies vont de Toulouse à Nice ?’, le sujet viole la contrainte de restriction qui serait du type ‘moyen de transport’ ou ‘objet mobile’.

Selon les analyses et les auteurs, il y a plusieurs façons de caractérise la métonymie. Nous en présentons quelques unes ci-dessous qui vont, en outre, mieux illustrer cette notion. Lakoff et Johnson se contentent, à ce niveau, de présenter la relation : - ‘La partie pour le tout’ (on n’embauche pas de cheveux longs ici) - ‘Le producteur pour le produit’ (j’ai acheté une Ford) - ‘L’objet utilisé pour l’utilisateur effectif’ (les bus sont en grève) - ‘L’institution pour la personne responsable’ (Total a indemnisé les victimes) - ‘Le lieu pour l’institution’ (Matignon est resté silencieux) - ‘Le lieu pour l’événement’ (Waterloo a marqué un changement politique en Europe). Dans une autre perspective, D. Fass a adossé les protagonistes de la métonymie à des rôles thématiques dans le but de mieux faire apparaître l’apport de cette opération. Ainsi, nous avons, par exemple, les situations suivantes : - AGENT : producteur - pour - PATIENT : le produit. Même situation pour : l’artiste pour son œuvre ou une forme d’art (un Picasso). - PATIENT : l’institution – pour – AGENT : la personne responsable. - INSTRUMENT : l’objet utilisé – pour – AGENT : son utilisateur (Les tournevis sont encore absents). Même situation pour le contenant pour le contenu. En regardant plus dans le temps, Fontanier, au début du 19ème siècle, a donné une bonne catégorisation et organisation conceptuelle de la métonymie. Il distingue, par exemple : - les métonymies de la cause : cause active, intelligente et morale (Un Racine pour les ouvrages de cet auteur), cause instrumentale (il a le pinceau hardi), etc. - les métonymies de l’instrument (une fine lame, le 1er violon), - les métonymies du signe (le trône, le sceptre, les lauriers). Notons le cas des synecdoques, qui font appel à des parties-tout spécifiques : pour les êtres animés : le cœur, l’âme, pour les objets physiques : le toit pour la maison, la voile pour le bateau, pour les pays la capitale, etc.

Comme on peut le voir sur les quelques exemples cités ci-dessus, la métonymie a une dimension linguistique, sémantique, mais aussi conceptuelle. La métonymie s’appuie en effet sur un modèle conceptuel idéalisé (par exemple une vision structurée simple du monde, comme le font les ontologies de l’intelligence artificielle). La métonymie ne substitue pas simplement une entité par une autre, elle crée un nouveau sens complexe qui prend en compte les entités en cause et la relation. Les processus en œuvre apparaissent à plusieurs niveaux : - celui du conceptuel (protypicalité, catégorisation et raisonnement), - celui de la représentation des connaissances (ontologies, concepts et formes, entités et événements), - celui du langage (lexique, morphologie, syntaxe et discours) et - celui des fonctions linguistiques (référence, prédication, actes de discours).


Quelques références

Metonymy in Language and Thought, Panther-Radden, Hamburg, 1996. Contient de nombreux articles essentiels pour approfondir la métonymie sous ses différentes facettes.

Fass, D. (1997). Volume 1: Processing Metonymy and Metaphor. London, Ablex Publishing Corporation. Fontanier, P. (1821). Les figures du discours. Paris : Flammarion. Godard, D., Jayez, J. (1993). Towards a Proper Treatment of Coercion Phenomena. In Proceedings of the 6th Conference of the European Association for Computational Linguistics (EACL 93), Utrecht, p. 168-177. Lakoff, G.- Johnson, M. (1980). Metaphors We Live By. Chicago: University Chicago Press. Numberg, G. (1995). Transfers of meaning. Journal of Semantics, 12(2), 109-132.