Pronom : Différence entre versions

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Pour Evans, les quatre emplois du pronom se réduisent donc en fait à deux modèles :
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|A. ||Co-référence et variables liées. Evans unifie ces deux emplois en termes de satisfaction d'un prédicat complexe: le pronom répète alors l'occurrence d'une constante (co-référence, emploi 2) ou d'un symbole de variable (liage de variable, emploi 3).
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|B. ||Emploi "direct" et pronom de type E. Pour Evans, le pronom peut fixer sa référence grâce au contexte situationnel de manière "directe" (emploi 1), ou voir sa référence fixée par une description recouvrable à partir de la phrase antécédente contenant un quantificateur (emploi 4).
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L'analyse de Evans soulève plusieurs difficultés analysées notamment dans Heim (1982, 1990). Une grande part de ces difficultés semble tenir à son analyse existentielle des indéfinis et à son analyse des définis, et donc pour lui des pronoms, en termes d'unicité/totalité.
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==La modélisation de Kamp (1981)==
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Kamp (1981) introduit la [[DRT]] (Théorie des Représentations du Discours) en la motivant initialement par le traitement d'une classe d'exemples, les [[donkey-sentence|donkey sentences]], qui tombent sous le concept de pronoms de type E. Il s'agit de cas où un pronom a pour antécédent un expression représentable classiquement comme un [[quantification|quantificateur]] ([[Défini vs. indéfini|indéfini]]) , laquelle ne peut pas lier une variable correspondant au pronom.

Version du 5 juillet 2006 à 14:23


par Francis Corblin

La notion de pronom est d'extension très large en grammaire usuelle, et subdivisée en catégories multiples : pronoms démonstratifs, indéfinis, interrogatifs, personnels, possessifs, relatifs, réfléchis. Ce qui réunit les formes appelées "pronom", c'est le fait qu'une forme sans N lexical et peu spécifiée remplit les fonctions d’un SN, et que cette forme s'interprète typiquement comme un renvoi à un élément du contexte (linguistique ou situationnel), dit antécédent, ou "source" (Tesnière 1959) du pronom.

Le présent article est centré sur la sémantique des pronoms libres de troisième personne (français il, le, lui, anglais he, him)1: ces pronoms sont dits "libres" parce qu'ils peuvent s'interpréter par anaphore à une expression antérieure du discours qui peut appartenir à une autre phrase. On les oppose aux formes liées, lesquelles, comme par exemple le réfléchi, doivent trouver leur antécédent dans une configuration syntaxique contrainte. La théorie du liage, introduite par Reinhart (1976) et systématisée par Chomsky (1981) étudie les contraintes syntaxiques concernant l'interprétation des pronoms dans la phrase. Cette théorie distingue les pronoms (libres) des anaphores (liées), et des groupes nominaux pleins.


Une grande part des travaux sémantiques récents est consacrée à l'élaboration d'un modèle de la relation antécédent / pronom qui soit raisonnablement unifié et qui triomphe des nombreux paradoxes mentionnés dans la littérature.

Les articles fondateurs dans le domaine de la modélisation sémantique des pronoms sont ceux de Cooper (1979), Evans (1980), et Kamp (1981).

Nous présentons dans cet article d'abord la modélisation de Evans, puis celle de Kamp.

La modélisation de Evans (1980)

Evans (1980) propose la typologie suivante :

(1) Typologie des pronoms chez Evans (1980)
1. Renvoi à un objet de la situation :
Il s'est levé tôt
2. Co-référence à une expression du contexte :
Pierre1 a perdu le livre qu'il1 avait acheté
3. Variable liée par un quantificateur :
Personne1 ne croit qu'ili a tort
4. Pronoms de type E (E-type pronouns) :
Peu de collègues1 sont venus, mais ils1 se sont bien amusés

Dans le cas 1, un pronom est employé pour référer "directement" à un individu présent dans la situation d'énonciation, emploi souvent dit "déictique". Dans le cas 2, un pronom est employé pour référer au même individu qu'une expression antérieure.

Les cas 3 et 4 ne peuvent pas relever de 2, simplement parce que les antécédents du pronom, personne, peu de collègues, ne sont pas des expressions qui désignent un individu, mais des équivalents linguistiques d'un quantificateur liant des variables en logique des prédicats.

Le cas 3 tombe naturellement sous le concept associé de variable liée par son quantificateur antécédent :

(2) personne ne croit qu' il à tort
¬ ∃ x x croit que x a tort

Mais Evans montre que dans le cas 4, bien que le pronom ait pour antécédent également une expression linguistique équivalente à un quantificateur, peu de collègues, le pronom n'introduit pas une variable liée par ce quantificateur. Evans donne un nom dérivé du sien ("E-type") à cet usage du pronom, qui se définit comme en (3a), avec la sémantique de (3b) 2 :

(3) a. E-type pronoun : pronom ayant pour antécédent une expression traduisible par un quantificateur, mais qui ne peut pas être représenté dans la traduction comme une variable liée par ce quantificateur.
b. Sémantique des pronoms de type E : un pronom de type E s'interprète comme une description définie dont le contenu est la conjonction des prédicats liés par le quantificateur antécédent du pronom.
(4) a. Peu de collègues sont venus, mais ils se sont bien amusés
b. Peu de collègues sont venus, mais les collègues qui sont venus se sont bien amusés

Comme Evans donne aux descriptions définies au pluriel une sémantique de type universel, l'interprétation résultante est :

Peu de collègues sont venus Q x (collègue x & venu x)3
Ils se sont bien amusés ∀x (collègues x & venus x) → s'est bien amusé x.

Au singulier, Evans admet pour les descriptions définies l'analyse en termes d'existence et d'unicité, et pour l'indéfini l'analyse existentielle, ce qui donne :

Socrate possède un chien ∃ x [chien x & possède (s,x)]
Il a mordu Socrate ι x [chien x & possède (s,x)] & a mordu (x,s)

Pour Evans, les quatre emplois du pronom se réduisent donc en fait à deux modèles :

A. Co-référence et variables liées. Evans unifie ces deux emplois en termes de satisfaction d'un prédicat complexe: le pronom répète alors l'occurrence d'une constante (co-référence, emploi 2) ou d'un symbole de variable (liage de variable, emploi 3).
B. Emploi "direct" et pronom de type E. Pour Evans, le pronom peut fixer sa référence grâce au contexte situationnel de manière "directe" (emploi 1), ou voir sa référence fixée par une description recouvrable à partir de la phrase antécédente contenant un quantificateur (emploi 4).

L'analyse de Evans soulève plusieurs difficultés analysées notamment dans Heim (1982, 1990). Une grande part de ces difficultés semble tenir à son analyse existentielle des indéfinis et à son analyse des définis, et donc pour lui des pronoms, en termes d'unicité/totalité.

La modélisation de Kamp (1981)

Kamp (1981) introduit la DRT (Théorie des Représentations du Discours) en la motivant initialement par le traitement d'une classe d'exemples, les donkey sentences, qui tombent sous le concept de pronoms de type E. Il s'agit de cas où un pronom a pour antécédent un expression représentable classiquement comme un quantificateur (indéfini) , laquelle ne peut pas lier une variable correspondant au pronom.