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Les treillis ont été largement utilises par (Link, 1983), (Landmann, 1989a/b, 2000), (Schwarzschild, 1997). | Les treillis ont été largement utilises par (Link, 1983), (Landmann, 1989a/b, 2000), (Schwarzschild, 1997). | ||
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Version actuelle datée du 14 mars 2007 à 09:41
par Alda Mari |
Définition
Il existe deux acceptions du terme « pluralité » :
- 1. Définition mathématique stricte
- 2. Enumération des phénomènes qui font appel à une pluralité au sens strict
Définition mathématique
Cette définition remonte à Higginbotham (nous traduisons, p. 99) :
« …la dénotation d’un NP pluriel est un objet ressemblant à un ensemble (angl. set-like objects), que nous appelons « pluralité ». On dit qu’une pluralité a des « membres » (ou, de manière équivalente des « éléments ») et on admet d’une pluralité est « composée » des ses membres de telle sorte que deux pluralités avec les mêmes membres sont les mêmes… »
Le principe de « composition » affirme qu’un tout dépend à la fois de ses parties et de la manière dont celles-ci sont assemblées. Cette définition considère une pluralité comme la somme de ses membres, sans considérer les relations qu’ils entretiennent. C’est pourquoi on dit qu’elle est « composée » de ses membres.
Cette idée centrale a été maintenue dans la plupart des modèles développés depuis, qu’ils soient d’orientation ensembliste (voir théorie des ensembles), méreologique ou algébrique.
Cette définition, cependant, ne semble pas appropriée pour tous les cas. Des GN pluriels peuvent tantôt dénoter des sommes (pluralités au sens strict de la définition), tantôt des groupes. La notion de groupe est caractérisée selon certains auteurs par le fait qu’il existe des relations particulières entre les membres. De cette manière, une pluralité au sens strict ne correspond pas à la notion de groupe (voir groupe).
Du moment que les théories des « pluralités » prennent en compte les GN pluriels dénotant des groupes, elles considèrent aussi les GN singuliers qui renvoient à des collectivités (comité, choeur, assemblée …). C’est ainsi que ce terme a perdu de sa technicité, pour renvoyer plutôt à un ensemble de phénomènes.
Enfin, on considère aujourd’hui non seulement les GN pluriels, mais aussi les prédicats verbaux et adjectivaux qui dénotent des groupes (se rencontrer, se réunir, être nombreux …)
Définition par énumération
On utilise ce terme pour faire référence aux phénomènes qui font appel à une quantité d’individus supérieure à #1, sans nécessairement invoquer par ce terme une théorie mathématique particulière.
Les phénomènes que l’on peut labelliser comme relevant d’une théorie de la pluralité sont :
- La distributivité
(1) | Les enfants chantent |
-- > chacun des enfants chante ou, |
- La collectivité
- (2) Les enfants chantent ensemble
- (3) Marie chante avec Jean
- (4) Le choeur chante
- (5) Les enfants se rencontrent
- La réciprocité
- (6) Les enfants se regardent (les uns les autres)
Indirectement, en vertu des ressemblances entre les noms pluriels et les noms massifs, on étend les modèles pour les GNs pluriels aux GN massifs (voir massif / comptable)
Ces phénomènes sont tous caractérisés par le fait qu’il existe soit un groupe nominal, verbal ou adjectival pluriel ou dénotant un objet composé de plus qu’un membre.
Phénomènes linguistiques
Distributivité et collectivité
Alternance distributivité / collectivité pour les GN et GV
Les groupes nominaux, verbaux adjectivaux singuliers ou pluriels peuvent sont concernés par la notion de pluralité.
Ces lectures peuvent être tantôt distributive, tantôt collective, tantôt ambiguë.
Dire d’un GN ou d’GV qu’il est distributif, signifie dire qu’il dénote des individus singuliers, ou des sommes de ces individus.
La notion de collectivité est caractérisée par le fait que le GN ou le GV dénote des individus pluriels ayant des relations ou des groupes. Un groupe est un atome pluriel.
- GN
Les groupes nominaux pluriels peuvent tantôt être interprétés comme des sommes d’individus (selon la définition stricte de pluralité), tantôt comme dénotant des groupes (des individus formant un tout). Il existe aussi des lectures intermédiaires (sous-groupes).
Il existe des groupes nominaux singuliers qui dénotent des groupes.
- (7) Les enfants chantent
- - lecture distributive : chacun des enfants chante
- cas de distribution a sous-groupes : les enfants sont regroupés en sousgroupes, chacun des sous-groupes chante (sans nécessairement que chacun des enfants du sous-groupe chante)
- - lecture ambiguë : les enfants chantent ensemble
- - lecture distributive : chacun des enfants chante
- (8) Le choeur chante
- - lecture collective
- GV
On distingue entre groupes verbaux singuliers ou pluriels.
Les groupes verbaux singuliers sont caractérisés par le fait qu’ils dénotent des individus singuliers.
Les groupes verbaux pluriels dénotent des groupes (lorsqu’il est appliqué à « groupes verbaux », l’adjectif « pluriel » renvoie généralement à la notion de groupe et non pas de somme. (Voir distributivité / collectivité).
- (9) Les enfants sont grands
- - lecture distributive : chaque enfant est grand
- (10) Les enfants se rencontrent
- - lecture collective
- (11) Les enfants jouent
- -lecture ambiguë : chacun des enfants joue, ou les enfants jouent ensemble
Une des questions qui se pose immédiatement est de savoir si, dans les cas ambigus, une des lectures est prédominante. Selon que l’on admette que les GN ou les GV sont par nature collectifs ou distributifs, on sera amené à poser une lecture par défaut, et a générer les autres par le recours a des opérateurs.
Ces options amènent à traiter différemment les cas où un GV purement collectif et un GN purement distributif sont conjoints :
- (12) Les enfants se sont retrouvés dans la cours et portaient tous des vêtements bleus
Pour les solutions proposées, voir distributivité / collectivité.
Alternance distributivité / collectivité et fonctions syntaxiques
Il est à noter que l’alternance entre lecture distributive et collective concerne aussi bien les positions sujet qu’objet, ainsi que les ajouts prépositionnels. Un degré ultérieur de complexité émerge lorsqu’il y a interaction entre GN pluriel sujet et GN singulier ou pluriel objet. Le résultat de cette interaction est aussi fonction du type défini ou indéfini du déterminant du GN objet.
NP sujet
Voir de (9) à (12)
NP objet
- (13) Jean a parlé à ses collègues
- - lecture distributive : Jean a parlé à chacun de ses collègues
- - lecture collective : Jean à parlé à ses collègues
- (14) Bill a mélangé les cartes rouges et bleues
- - lecture distributive : bill a mélangé les cartes rouges avec les cartes rouges et les cartes bleues avec les cartes bleues
- - lecture collective : Bill a mélangé les cartes rouges avec les cartes bleues
Interaction entre NP pluriel sujet et objet
- (15) Rosemarie et Raymond ont écrit les Aventures de Susy et les Histoires venues de Lointain
- - lecture distributive : Rosemarie a écrit les Aventures de Susy et Raymond a écrit les Histoires venues de Lointain
- - lecture collective : Rosemarie et Rayomond ont écrit ensemble aussi bien les Aventures de Susy que Histoires venues de Lointain.
- (16) Les enfants ont déplacé un piano
- - lecture distributive : les enfants ont déplacé chacun un piano
- - lecture collective : les enfants ensemble ont déplacé un piano
Pour rendre compte de ces distinctions, on a eu recours à des modèles mathématiques complexes. Nous présentons ci-dessous l’essentiel des trois analyses les plus fréquentes.
Réciprocité
Depuis les travaux de Higginbotham (1980), l’analyse de la réciprocité et de la pluralité sont explicitement liées.
La réciprocité est exprimée en Français par le pronom l’un l’autre ou les uns les autres.
- (17) Les deux garçons se regardent l’un l’autre de travers
- (18) Les garçons se regardent les uns les autres de travers
Les objets et les arguments prépositionnels peuvent également fonctionner comme antécedents de ces pronoms :
- (19) Les serveurs des bars parisiens ont l’habitude d’attacher les chaises les unes aux autres
- (20) Dans les grandes fratries, il est nécessaire que les frères parlent les uns aux autres
- (21) Ils ont entassé les matelas les uns sur les autres
Analyses
Il existe trois types d’analyses pour la pluralité, la première étant à la source des deux autres : analyses ensemblistes (voir théorie des ensembles), mereologiques et algébriques.
Nous présentons ici très brièvement les notions mathématiques sur lesquelles reposent les analyses, et renvoyons à la fiche distributivité / collectivité pour les concepts linguistiques et leurs applications.
L’analyse méreologique
La méreologie classique
Il existe à la fois des profondes différences entre l’analyse ensembliste d’une pluralité (E) et l’analyse méreologique (M).
- Ressemblances
1. | E : Principe d’extensionalité: les ensembles sont définis par leurs membres. |
M : Principe d’unicité des sommes. Etant donné des éléments il existe une seule somme possible. | |
v= x1 + x2 + + ... xn | |
u = v | |
2. | E : Principe de compréhension. Etant donné des éléments, il existe toujours un ensemble auquel ils appartiennent. |
M : Principe d’existence universelle des sommes. Etant donné des éléments, il existe toujours une somme de ces éléments. |
- Différences
1. | E : Non transitivité |
M : Transitivité de la relation partie-tout | |
2. | E : Deux manières d’appartenance à un ensemble : comme membre ou comme sousensemble. |
M : Une seule manière d’appartenance à une somme: comme partie. | |
3. | E : Existence de l’ensemble vide. |
M : Non-existence d’un individu vide. | |
4. | E : Le singleton est distinct de son unique membre. |
M : Un individu ne peut pas avoir de partie propre distincte de lui-même. |
Nouvelles méreologies
La méreologie classique, longtemps utilisée dans l’explication de la pluralité (jusqu’à Lasersohn, 1995) s’est révélée être plus appropriée pour la description d’objets concrets qu’abstrait (comme une pluralité), et a été remise profondément en question dans les derniers travaux sur la relation partie-tout en sémantique (Moltmann, 1997).
Une nouvelle méreologie a vu le jour à la suite de Simons 1987, qui introduit la notion de tout intégré : une unité qui existe en vertu de dépendances entre ses membres.
Cette notion d’unité est à distinguer d’une autre acception, adoptée par exemple par Landmann (1989a/b, 2000) qui considère une pluralité non-distributive comme un objet à part entière dans l’ontologie.
Très récemment, Jayez et Mari (2004), à la suite de Mari, 2003, ont proposé un nouveau modèle pluralité : pluralité comme cause. Dans le but de modéliser des objets abstraits comme des groupes, et d’interpréter le sens de ensemble et de avec les auteurs conçoivent une pluralité un ensemble d’éléments qui co-varient pour certaines de leurs propriétés, sans pour autant qu’il existe de tout par dessus ces éléments. La notion proposée se situe donc entre celle de somme (car il existe entre les éléments des relations de dépendance) et le tout (car il n’y a pas de tout qui est posé par dessus les parties).
Les approches algébriques
Soit un poset est un ensemble partiellement ordonné, i.e. une paire (P,≤), où ≤ est une relation d’ordre partiel sur P.
Un treillis est un poset non vide L dans lequel pour deux éléments x et y il existe une plus petite limite supérieure (supremum) x ∨ y et une plus grande limite inférieure (infimum) x ∧ y. L’opération ∧ est appelée « meet » et l’opération ∨ est appelée « join ».
Certain posets W ont seulement l’opération binaire « join » et ils sont appelés join-semitreillis.
Les treillis ont été largement utilises par (Link, 1983), (Landmann, 1989a/b, 2000), (Schwarzschild, 1997).
Pour une théorie de la pluralité, il est important d’établir quel est l’objet modélisé par le supremum de deux éléments. En particulier, les auteurs y ont tantôt vu une somme (Link, 1984), tantôt un groupe (Schwarzschild, 1997, Link, 1983). Voir : collectivité distributivité.
Références
Il n’existe pas d’ouvrage d’introduction à l’étude de la pluralité.
La première partie de la monographie de Lasersohn peut tout de même servir d’introductions aux données et aux théories existantes. Les autres ouvrages mentionnés présentent différentes approches.
De même, dans le domaine des modèles formels, l’ouvrage de Simons est certainement la référence pour la méreologie.
Pour la théorie des ensembles et les treillis, voir fiches correspondantes.
Pluralité : données et théories linguistiques
- Higginbotham, J. (1980). "Reciprocal interpretation". Journal of Linguistic Research 1(3): 97-117.
- Link, G. (1983). "The logical analysis of plural and mass terms: a lattice theoretic approach". In R. Bauerle, Ch. Schwarze and A. von Stechow (eds.). Meaning, Use and Interpretation of Language. Berlin: de Gruyter.
- Link, G. (1984). "Hydras. On the logic of relative clause constructions with multiple heads". In F. Landman and F. Veltmann (eds.). Varieties of Formal Semantics. Dordrecht: Foris.
- Landman, F. (1989a). "Groups I". Linguistics and Philosophy 12.5: 559-605.
- Landman, F. (1989b). "Groups II". Linguistics and Philosophy 12.6: 723-744.
- Landman, F. (2000). Events and Plurality. Dordrecht: Kluwer Academic Publishers.
- Lasersohn, P. (1995). Plurality, Conjunction and Events. Dordrecht: Kluwer Academic Publishers.
- Schwarzschild, R. (1996). Pluralities. Dordrecht: Kluwer Academic Publishers.
Pluralité : modèles.
Méreologie classique
- Leonard, H.S and Goodman, N. (1940). The calculus of individuals and its uses. Journal of Symbolic Logic 5, 45-55.
- Lesniewski, S. (1916). "Foundatations of the general theory of Sets. I". In S.L. Surma et al. (1992). Collected Works, vol. I, Dordrecht: Kluwer Academic Publishers.
Nouvelle Méreologie
- Moltmann, F. (1997). Parts and Wholes in Semantics. Oxford: Oxford University Press.
- Simons, P. (1987). Parts: A Study in Ontology. Oxford: Oxford University Press.