Saillance

De Sémanticlopédie
Révision datée du 23 février 2006 à 13:19 par FrédéricLandragin (discussion | contributions) (Définition et portée du phénomène)
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par Frédéric Landragin


Définition et portée du phénomène

Est saillant ce qui vient en premier à l’esprit, ce qui capte l’attention. Cette propriété, parfois appelée prosexigène (obtrusive en anglais), s’applique aux entités du discours via les caractéristiques lexicales, syntaxiques et sémantiques du discours, auxquelles il faut ajouter les caractéristiques phonétiques et prosodiques dans le cas du discours oral et les caractéristiques visuelles dans le cas du discours écrit. La notion de saillance (salience ou saliency en anglais) est ainsi liée à l’émergence d’une figure sur un fond, que cette émergence soit motivée par des aspects physiques liés à la perception de la parole ou du texte écrit, ou par des aspects plus sémantiques voire cognitifs liés à la compréhension du langage. C’est pourquoi on peut distinguer la saillance physique de la saillance cognitive, de manière à mieux rendre compte de phénomènes qui peuvent jouer dans le même sens ou dans des sens opposés.

Ainsi, si l’on considère l’exemple (1) du point de vue de sa forme, l’utilisation de caractères gras rend l’expression « le long du mur » saillante, comme l’aurait fait à l’oral un accent de focalisation (augmentation de la fréquence fondamentale et de l’intensité). Cette saillance physique explicite entraîne une saillance cognitive, se traduisant par quelque chose comme la phrase (2). Si l’on considère ce même exemple (2) comme un énoncé ne comportant ni accent ni prosodie particulière, aucune saillance physique ne s’identifie. Par contre, son analyse syntaxique rend compte d’un présentatif (ou construction clivée), dont l’utilisation est clairement liée à une mise en saillance, en l’occurrence de l’emplacement « le long du mur ». Il est alors légitime de supposer que cet emplacement deviendra cognitivement saillant pour l’interlocuteur, d’où la notion de saillance cognitive. En considérant maintenant l’exemple (3) où aucun caractère gras ni présentatif n’apparaît, on peut supposer dans un premier temps qu’aucune saillance n’intervient. En fait, toute phrase est la matérialisation d’un certain nombre de choix qui peuvent avoir des conséquences en terme de saillance. Le choix de l’ordre des mots, le choix d’attribuer telle fonction grammaticale ou tel rôle thématique à telle entité, le choix du thème de la phrase, quand ils sont possibles, constituent autant de facteurs potentiels de saillance. Une analyse rapide de l’exemple (3) aboutit ainsi à l’affectation de la plus grande saillance cognitive à l’entité « table », du fait de sa position initiale, de sa fonction grammaticale sujet et de son statut de thème dans la phrase. Comme nous l’avons fait avec le premier exemple, une telle analyse revient à paraphraser (3) par (4).

(1) « La table doit se mettre le long du mur. »
(2) « C’est le long du mur que la table doit se mettre. »
(3) « La table doit se mettre le long du mur. »
(4) « C’est la table qui doit se mettre le long du mur. »

Avec ces considérations, l’exemple (1) conduit schématiquement à une entité physiquement saillante (« le long du mur ») et une autre entité cognitivement saillante (« la table »). On en déduit ainsi qu’il n’y a pas de saillance absolue d’une et une seule entité du discours, mais des saillances relatives des différentes entités, selon des facteurs et des plans d’analyse différents. A l’image de la distinction entre saillance physique et saillance cognitive (Landragin, 2004), c’est ce constat qui a amené certains chercheurs à distinguer la saillance perceptive de la saillance conceptuelle (Pattabhiraman & Cercone, 1990), la saillance de la pertinence, ou encore, mais cette fois dans un registre très général, la saillance de la prégnance (Thom, 1988).

C’est d’ailleurs avec le terme de prégnance (Prägnanz en allemand) que les recherches sur ce phénomène trouvent leurs origines dans la Théorie de la Gestalt (Gestalttheorie), appelée aussi psychologie de la forme, et plus précisément dans les travaux de Max Wertheimer concernant la physiologie de la perception visuelle (cf. Guillaume, 1979). C’est dans le domaine de la perception visuelle que la notion de saillance et la distinction entre figure et fond ont été explorées, avec des approches et des objectifs variés. D’une manière générale, l’unité à laquelle s’applique la saillance est le percept, c’est-à-dire un élément visuel distinguable (doté d’un contour, ce qui constitue la différence fondamentale entre figure et fond). Quant aux facteurs de saillance visuelle, ils concernent aussi bien les propriétés physiques des percepts que les aspects cognitifs mis en jeu lors de leur perception. L’apparition du concept de saillance en linguistique est plus tardive et n’est à l’heure actuelle pas l’objet d’un consensus dans la communauté. A l’image des aspects visuels, un premier problème concerne l’identification de l’unité à laquelle s’applique la saillance linguistique. Nos exemples ont mis en jeu le mot ou groupe de mots (voir la lettre) pour la saillance physique dans le cas d’une phrase écrite, le phonème ou groupe de phonèmes pour la saillance physique dans le cas d’un énoncé oral, et l’entité du discours pour la saillance cognitive. Quant aux facteurs de saillance linguistique, nous allons les détailler plus loin en reprenant des éléments de théories dont l’objectif ne se réduit jamais à la saillance, mais porte par exemple sur les anaphores (Sidner, 1979) ou sur la notion de structure informationnelle (Lambrecht, 1994). C’est en effet à travers de telles théories que l’on peut appréhender le concept de saillance.

Propriétés linguistiques liées à la saillance

En cours de rédaction...


Types d'analyses linguistiques de la saillance

En cours de rédaction...


Références fondamentales

  • Alshawi, H. (1987). Memory and Context for Language Interpretation, Cambridge: Cambridge University Press.
  • Grosz, B.J., Joshi, A.K., Weinstein, S. (1995). Centering: A Framework for Modelling the Local Coherence of Discourse, Computational Linguistics 21(2), pp. 203-225.
  • Guillaume, P. (1979). La psychologie de la forme, Paris : Flammarion.
  • Lambrecht, K. (1994). Information Structure and Sentence Form. Topic, Focus and the Mental Representations of Discourse Referents, Cambridge: Cambridge University Press.
  • Osgood, C.E., Bock, J.K. (1977). Salience and Sentencing: Some Production Principles, In Rosenberg, S. (Ed.), Sentence Production: Developments in Research and Theory, Hillsdale: Erlbaum, pp. 89-140.
  • Sidner, C.L. (1979). Towards a Computational Theory of Definite Anaphora in English Discourse, Ph.D. Thesis, MIT.
  • Thom, R. (1988). Esquisse d’une sémiophysique, InterEditions, Paris.


Discussions et travaux récents

  • Grobet, A. (2002). L’identification des topiques dans les dialogues, Bruxelles : Duculot.

-24.

  • Pattabhiraman, T., Cercone, N. (1990). Selection: Salience, Relevance and the Coupling between Domain-Level Tasks and Text Planning, In Proceedings of the Fifth International Workshop on Natural Language Generation, Dawson, pp. 79-86.
  • Stevenson, R.J. (2002). The Role of Salience in the Production of Referring Expressions, In Van Deemter, K., Kibble, R. (Eds.), Information Sharing: Reference and Presupposition in Language Generation and Interpretation, Stanford: CSLI Publications, pp. 167-192.
  • Wolters, M.K. (2001). Towards Entity Status, Ph.D. Thesis, Bonn University.


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