Métonymie

De Sémanticlopédie
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par Patrick Saint-Dizier


Définition informelle

La métonymie est une opération linguistique et cognitive qui a essentiellement une fonction référentielle, en ce qu’elle autorise l’emploi d’une entité pour en représenter une autre. Il doit exister une relation entre l’entité utilisée et celle référencée. Cette relation est essentiellement de deux types : la relation paradigmatique partie-tout (employée en partie vers le tout ou en tout vers la partie) et un ensemble a priori ouvert de relations fonctionnelles. Par exemple, dans un énoncé tel que:

on ne recrute pas des cheveux longs dans notre entreprise

le terme cheveux longs est une partie (significative) qui réfère au tout : un homme. Dans :

Toulouse a gagné la coupe,

nous avons une relation du tout (Toulouse) vers la partie significative visée, par exemple, son équipe de rugby. Enfin, dans:

j’ai acheté une Renault

la métonymie repose sur une base fonctionnelle où la marque est employée au lieu de l’objet (une voiture), nous avons la relation fonctionnelle : ‘la marque pour l’objet’.

La métonymie n’est pas un dispositif purement référentiel, son objectif principal est d’améliorer la compréhension d’un énoncé. Ainsi, dans le premier exemple ci-dessus, la partie utilisée (les cheveux longs) n’est pas neutre: c’est cette partie, et ce qu’elle peut sous-entendre dans notre culture occidentale, qui pose problème. La métonymie intervient donc dans la spécification d’une forme de focus, non plus par une position syntaxique, mais par l’emploi d’un procédé référentiel.


Métonymie et métaphore

La métonymie a donc un fonctionnement et un rôle très différent de la métaphore qui est essentiellement une façon de concevoir quelque chose dans les termes d’une autre chose. Le rôle de la métaphore est d’aider à la conceptualisation dans des domaines abstraits (voir fiche métaphore). Bien que métaphore et métonymie aient des rôles différents, certaines propositions peuvent être interprétées dans ces deux cadres. Ainsi:

L’Europe croit à la démocratie

a une interprétation métaphorique (une entité géographique vue comme un humain) et une interprétation métonymique (les habitants de l’Europe croient en la démocratie).

Les métonymies sont un phénomène de langue, mais elles reflètent aussi la structure de notre système conceptuel et de notre culture. Par exemple, lorsque l’on dit:

il y a beaucoup de nouveaux visages ici

on fait référence à une métaphore partie-tout du type: le visage pour la personne. On ne dira pas:

il y a beaucoup de nouveaux pieds ici.

La raison est que c’est le visage et non la posture, le mouvement ou tout autre partie du corps qui donne la première information sur qui est la personne. Par contre, dans un contexte de travail physique, on aurait de préférence une focalisation sur un élément essentiel à une tâche physique, et l’on dirait plutôt:

On manque de bras pour faire ce travail.

On voit aussi à travers ces exemples que la métonymie contribue à la cohérence du discours et à la mise en œuvre des plans et buts sous-jacents.


Diversité des réalisations en langue

Les métonymies peuvent apparaître dans nombre de structures différentes. Un nombre important de métonymies occultent un événement pour privilégier un objet prototypique de celui-ci :

après ce livre (=avoir lu ce livre), je me suis sentie fatiguée

ou :

après un café (= avoir bu un café), je suis sortie (Godard et Jayez 93).

Dans:

il m’a envoyé une lettre très gentille,

l’adjectif réfère au contenu de la lettre, aux termes employés, voire à l’intention de celui qui l’a écrite.


Element de modélisation

Il y a fondamentalement deux façons de modéliser la métonymie. La première est une tentative d’organisation en termes de relations métonymiques : ‘contenant pour contenu’, ‘marque pour objet’, où il restera à indiquer les restrictions d’emploi de ces relations. La seconde vise à tenter de distinguer les différents types de métonymies au niveau de leur comportement référentiel. L’objectif est alors de développer un type de traitement propre à chaque forme de référence.

A côté de métonymies dites référentielles (Nixon a bombardé Hanoi), nous avons des métonymies dites prédicatives, où le type même de l’argument du verbe sur lequel repose la métonymie est affecté. Ainsi, dans:

Quelles compagnies vont de Toulouse à Nice ?,

le sujet viole la contrainte de restriction qui serait du type ‘moyen de transport’ ou ‘objet mobile’.

Selon les analyses et les auteurs, il y a plusieurs façons de caractérise la métonymie. Nous en présentons quelques unes ci-dessous qui vont, en outre, mieux illustrer cette notion. Lakoff et Johnson se contentent, à ce niveau, de présenter la relation :

  • ‘La partie pour le tout’ (on n’embauche pas de cheveux longs ici)
  • ‘Le producteur pour le produit’ (j’ai acheté une Ford)
  • ‘L’objet utilisé pour l’utilisateur effectif’ (les bus sont en grève)
  • ‘L’institution pour la personne responsable’ (Total a indemnisé les victimes)
  • ‘Le lieu pour l’institution’ (Matignon est resté silencieux)
  • ‘Le lieu pour l’événement’ (Waterloo a marqué un changement politique en Europe).


Quelques autres points de vue

Dans une autre perspective, D. Fass a adossé les protagonistes de la métonymie à des rôles thématiques dans le but de mieux faire apparaître l’apport de cette opération. Ainsi, nous avons, par exemple, les situations suivantes :

  • AGENT : producteur - pour - PATIENT : le produit. Même situation pour : l’artiste pour son œuvre ou une forme d’art (un Picasso).
  • PATIENT : l’institution – pour – AGENT : la personne responsable.
  • INSTRUMENT : l’objet utilisé – pour – AGENT : son utilisateur (Les tournevis sont encore absents). Même situation pour le contenant pour le contenu.

En regardant plus dans le temps, Fontanier, au début du 19ème siècle, a donné une bonne catégorisation et organisation conceptuelle de la métonymie. Il distingue, par exemple :

  • les métonymies de la cause : cause active, intelligente et morale (Un Racine pour les ouvrages de cet auteur), cause instrumentale (il a le pinceau hardi), etc.
  • les métonymies de l’instrument (une fine lame, le 1er violon),
  • les métonymies du signe (le trône, le sceptre, les lauriers).

Notons le cas des synecdoques, qui font appel à des parties-tout spécifiques : pour les êtres animés : le cœur, l’âme, pour les objets physiques : le toit pour la maison, la voile pour le bateau, pour les pays la capitale, etc.

Comme on peut le voir sur les quelques exemples cités ci-dessus, la métonymie a une dimension linguistique, sémantique, mais aussi conceptuelle. La métonymie s’appuie en effet sur un modèle conceptuel idéalisé (par exemple une vision structurée simple du monde, comme le font les ontologies de l’intelligence artificielle). La métonymie ne substitue pas simplement une entité par une autre, elle crée un nouveau sens complexe qui prend en compte les entités en cause et la relation. Les processus en œuvre apparaissent à plusieurs niveaux :

  • celui du conceptuel (protypicalité, catégorisation et raisonnement),
  • celui de la représentation des connaissances (ontologies, concepts et formes, entités et événements),
  • celui du langage (lexique, morphologie, syntaxe et discours) et
  • celui des fonctions linguistiques (référence, prédication, actes de discours).


Quelques références

Metonymy in Language and Thought, Panther-Radden, Hamburg, 1996. Contient de nombreux articles essentiels pour approfondir la métonymie sous ses différentes facettes.

Fass, D. (1997). Volume 1: Processing Metonymy and Metaphor. London, Ablex Publishing Corporation.

Fontanier, P. (1821). Les figures du discours. Paris : Flammarion.

Godard, D., Jayez, J. (1993). Towards a Proper Treatment of Coercion Phenomena. In Proceedings of the 6th Conference of the European Association for Computational Linguistics (EACL 93), Utrecht, p. 168-177.

Lakoff, G.- Johnson, M. (1980). Metaphors We Live By. Chicago: University Chicago Press.

Numberg, G. (1995). Transfers of meaning. Journal of Semantics, 12(2), 109-132.