S-topic

De Sémanticlopédie
Aller à : navigation, rechercher


par Jean-Marie Marandin

La notion de S-topic est proposé par Büring (traduction proposée en français : shifteur thématique) pour analyser un accent de l’allemand. Büring analyse cet accent comme « un pitch accent montant L*H » (symbolisé par / dans (1) ci-dessous). Il apparaît prototypiquement dans le « hat contour », en association avec l’accent qui tombe sur l’élément focalisé, que Büring analyse comme un ton descendant H*L (symbolisé par « \ » ci-dessous).

(1) Auf der /NEUNundfünfsigsten Strasse habe ich die SCHUHE \ gekauft. (Büring,1997: 53 ; présentation de l’auteur).
Sur la cinquante neuvième rue, j’ai acheté les chaussures

Fait

Büring reconnaît cet accent, qu’il appelle topic accent (T accent) dans trois environnements question/réponse :

(2) Q: Was hatten die Popstars an?
Que portent les popstars ?
R: Die /WEIBlichen Popstars trugen KAFtane \
Les popstars femmes portent des caftans
(3) Q: Glaubst du, Fritz würde diesen Anzug kaufen?
Crois-tu que Fritz va acheter ce costume
R: /ICH würde ihn sicher NICHT\ kaufen.
Moi, je ne l’achèterais pas
(4) Q: Hat deine Frau fremde Männer geküsste?
Ta femme a-t-elle embrassé des hommes inconnus
R: /MEIne Frau hat KEIne\ fremden Männer geküsst.
Ma femme n’a pas embrassé d’homme inconnu


Büring rapproche ces faits de ceux que Jackendoff analyse comme des occurences de l’accent B en anglais. Beyssade et al. 2004 ont proposé de les rapprocher d’un certain type d’accentuation en français qu’ils appellent accent C. Appelons les accents B de l’anglais, les accents C du français et les accents T de (2)-(4) des accents de type B.

Analyse de Büring

Büring reprend une observation de Jacobs 1977 : « seules les réponses qui présentent un Itopic [= un XP portant un accent de type B, voir S-topic] peuvent ne pas clôre les questions, ce qui n’est pas possible avec des réponses qui présentent seulement un focus [= une marque de focus informationnel] » (ibid. :156). L’occurrence d’un accent de type B signale que le point en discussion (porté à la discussion par la question) n’est pas épuisé par la réponse ; Büring appelle cet effet « topic résiduel » (residual topic) . Dialogiquement, le locuteur se présente comme ayant plus à dire sur le même sujet ou un sujet thématiquement relié.


Cet effet se retrouve dans les trois cas illustrés en (2)-(4). Büring appelle S-topic les constituants qui portent l’accent de type B ; il distingue les topics partiels (2), les topics contrastifs (3) et les topics implicatifs ((4) purely implicational topic). Que cet effet soit distinct de la résolution de la question est particulièrement net dans (4) : « B répond littéralement à la question de B. Toutefois, cela ne devrait pas nécessiter l’accent thématique sur le possessif. Ce que B exprime en ajoutant cet accent, c’est qu’il considère qu’il y a d’autres épouses pertinentes dans le contexte » (Büring, 1997 : 56). Comme on le voit dans la glose donnée par Büring, la notion de S-topic rend compte d’une sous-classe de ce qui est appelé dans la littérature topic contrastif, c’est-à-dire un constituant qui évoque un ensemble d’alternatives, qui appartient au fond, qui est distingué prosodiquement, qui entre dans une résolution particulière de la question mais qui ne fournit pas luimême l’élément qui résout la question.


Buring 1997 propose dans le cadre de la sémantique des alternatives une analyse particulièrement éclairante du phénomène. Il postule à côté de la valeur sémantique ordinaire et de la valeur sémantique focale une valeur sémantique thématique (Topic semantic value) (TSV). La TSV est un ensemble d'ensembles de propositions. Du point de vue de la structure discursive, l’effet des accents de type B est de feuilleter le topic de discours (voir Beyssade et al. 2004, Büring 2002). Voir aussi Engdahl et al. 2000, Marandin 2005 entre autres.


L’effet de topic residuel ne semble pas réservé aux seuls accents de type B. On peut proposer qu’il caractérise la topicalisation en français (Marandin & Kerleroux 2001), alors qu’il caractériserait la dislocation gauche en anglais (Prince 1999).


On fera bien attention que le terme de topic est ici employé sans référence à la notion de aboutness. Il fait plutôt référence à la notion intuitive de perspective. D’ailleurs, c’est cette notion que Büring utilise pour gloser son analyse : « toutes les fois qu’il fait sens d’aborder une question sous différents angles (from different angles), il y a plusieurs stratégies possibles [pour répondre] qui présentent chacune son propre patron accentuel Topic-Focus (T-F pattern) [= une distribution particulière des marques du focus (informationnel) et de S-topic] » (Büring 1998).

Références

  • Beyssade Claire et al., 2004, Prosody and information, [Corblin Francis & de Swart Henriëtte, eds], Handbook of French semantics, : 777-500, Stanford : CSLI.
  • Büring, Daniel, 1997, The Meaning of Topic and Focus: The 59th Street Bridge Accent. London: Routledge.
  • Büring, Daniel, 1998, Focus and Topic in a Complex Model of Discourse, Ms.
  • Büring Daniel, 2002, “On D-Trees, Beans, and B-Accents", Linguistics & Philosophy.
  • Engdahl Elisabet, Larsson S. & Ericsson S., 2000, Focus-ground articulation and parallelism in a dynamic model of dialogue, disponible à http:// www.ling.gu.se/research/projects/trindi).
  • Jacobs J., 1977, Bemerkungen zur I-Topikalisierung, Linguistische Berichte 168: 91-133.
  • Jackendoff, R., 1972, Semantic interpretation in Generative Grammar. Cambridge (Ma.). MIT Press.
  • Marandin Jean-Marie,2005. Formatage de l'information: focus et contexte, [F. Corblin et C. Gardent, (eds)], Interpréter en contexte, Londres: Hermes.
  • Marandin Jean-Marie & Kerleroux Françoise, 2001, L'ordre des mots, [Marandin Jean-marie, ed] Cahier Jean-Claude Milner, Paris: Verdier.
  • Prince Ellen, 1999, On the limits of syntax with reference to left-dislocation and topicalization, [Culicover P. & Louise McNally, eds] The limits of syntax, New-York: Academic Press.